Entre Chemin de Croix et Passion

- Sommaire

- Chemin de Croix du vendredi 8 novembre 1878

- Récit de l'Abbé Gouron

- Un autre chemin de Croix

Chemin de Croix du vendredi 8 novembre 1878

Le vendredi, à une heure moins le quart nous sommes revenus à La Fraudais. Nous entrons. Elle est en prière, dans son cabinet, debout cette fois, car elle se lève tous les vendredis pour faire le chemin de croix, car ailleurs elle est toujours au lit.

L’entrée du petit sanctuaire nous est interdite. Une heure sonne, et aussitôt l’extase commence. Toutes les portes nous sont ouvertes. Elle est là, toute seule, à genoux, priant devant un crucifix. A peine sommes-nous assis qu’elle se détourne vers nous, les yeux fermés pour nous demander notre bénédiction. Tous trois, nous nous levons. Pour moi, je disais à voix basse : " Benedicat te omnipotens Deus, Pater et Filius, etc... ". Au moment où je disais " Pater ", la stigmatisée lève la main droite, l’élève au-dessus du front - au dessus de sa couronne d’épines - et fait un des plus beaux signes de croix que j’ai jamais vus.

Des yeux du corps elle ne nous avait jamais connus et cependant elle savait que nous étions là, elle savait que nous étions prêtres. Mais examinons-la pendant qu’elle est à genoux, faisant son grandiose signe de croix. Le dos de sa main droite est tout couvert d’un sang très rouge, le stigmate dorsal a saigné, le corps est penché en avant, les yeux restent fermés, la figure porte un reflet indéfinissable de piété, d’amour et de souffrances. Elle se signe sous notre bénédiction sacerdotale et aussitôt elle se détourne vers l’ouest, étend les bras en croix et commence une prière qui dure environ dix minutes. Dans cette prière, elle disait à son Bien-Aimé d’une voix forte et vibrante pourquoi elle allait Le suivre sur le chemin du Calvaire. C’était pour la conversion des pécheurs, pour le triomphe de l’Église, pour la délivrance du Pape. C’était pour faire amende honorable de tous les sacrilèges qui se font sur la terre. Et d’une voix de plus en plus vibrante, elle crie à son divin Époux de pardonner les sacrilèges, de pardonner les blasphèmes, et les violations de la loi du dimanche, de pardonner l’indifférence si froide d’une foule de chrétiens.

Pendant qu’elle est ainsi, priant les bras en croix, ses yeux se sont ouverts largement. La pupille est fixe et tournée vers le ciel de manière à se cacher un peu sous la paupière supérieure ; la face s’anime et se transfigure de plus en plus. Il est réellement impossible de rendre l’expression de cette figure. Il semble que Marie-Julie regarde en haut avec l’attention la plus profonde, elle paraît absorbée dans ce qu’elle voit, et cependant je me suis penché sur elle et j’ai vu que ses prunelles sont si extraordinairement dilatées qu’il lui est impossible de rien voir. C’est la contemplation dans son plus haut degré.

Après cette prière, ses yeux se referment et elle se penche en avant pour prendre sa croix. Elle est là, devant elle, cette petite croix en cuivre, longue environ de vingt centimètres. De ses deux mains, elle la prend avec efforts par le pied et ne peut pas même la remuer. Elle se replie sur elle-même et fait un effort plus grand, la croix bouge mais n’est pas soulevée. Elle redouble d’efforts, ses mains rougies de sang, se crispent sur cette croix qui semble si pesante, sa figure devient rouge, la croix se détache de terre, monte horizontalement et retombe bientôt à terre. On remarque sur tous ses traits une fatigue évidente. Cette petite croix aurait-elle donc le poids de celle de notre Divin Maître !

Enfin, après deux longues minutes de travail, tout le sang de la stigmatisée semble affluer à sa figure, ses lèvres sont serrées, son haleine se fait entendre, ses bras tremblent sous le fardeau, mais la croix s’élève, prend une position verticale et va descendre sur son épaule ; elle chancelle en arrière, en avant, et ne réussit à prendre son équilibre que lorsque la croix repose sur son épaule gauche. Alors, les deux mains fortement attachées au pied de l’instrument de supplice, elle commence à marcher à genoux. C’est le chemin de croix qui commence, inutile de dire qu’elle est en extase et qu’elle y sera jusqu’à cinq heures et demie.

Elle va, la face tournée vers l’ouest. A chaque pas, ses genoux frappent fortement le plancher du cabinet, sa démarche est très lourde. Arrivée à l’angle, elle revient sur ses pas, allant toujours de lest à l’ouest, puis de l’ouest à l’est. Elle porte ainsi sa croix pendant environ dix minutes. Bientôt, elle est fatiguée, elle chancelle, sa figure naturellement ronde s’allonge de plus en plus, elle est haletante.

C’est alors qu’elle se détourne vers nous et nous lui présentons une croix bénite à baiser. Fortifiée par ce secours, elle recommence sa course pesante. Mais elle est très haletante, quelquefois elle veut avancer et ne peut le faire. Alors son corps chancelant retombe en arrière, en avant, ou à l’appui de la cloison. Elle fait cependant quelques pas encore. Sa respiration se fait entendre très distinctement. Tout à coup, elle tombe sur la face dans la direction de l’ouest, en faisant un bruit très fort, un bruit extraordinaire ressemblant à celui d’une planche tombant sur un plancher. Là, les bras étendus, la face contre terre, pendant vingt minutes, elle parle à son Bien-Aimé. Ses paroles coulent rapidement de ses lèvres, avec une force, une onction, un amour, une éloquence extraordinaires.

- Douce croix, s’écrie-t-elle, si lourde, si chargée des péchés des hommes, vous êtes sur l’Épaule de mon Dieu ! C’est Vous, mon cher Jésus qui voulez la porter et c’est cependant nous qui sommes les coupables. Oh ! embrasez-moi.

Plus loin, elle retrace une vision qui lui passe sous les yeux et s’écrie :

- Pourquoi tous ces charbons ardents qui, dans l’espace du milieu des ténèbres se détachent de la croix, et se répandent partout sur la terre ? Pourquoi, si ce n’est pour faire entrer dans les âmes un rayon d’amour, pour les embraser.

Alors elle prie pour les prêtres qui sont présents, pour toute l’assistance et aux intentions qu’elle a énumérées au commencement.

Marie-Julie s’est relevée. Elle continue son chemin de croix en silence. Sa physionomie s’allonge et se transfigure, sa fatigue devient de plus en plus grande. C’est ici que se place une scène très attendrissante. Au milieu du parcours, elle se détourne encore vers nous, pliant sous le poids de sa croix. Nous lui présentons un petit crucifix à baiser, mais ce n’est pas cela. Elle cherche quelqu’un pour l’aider à porter sa croix ; elle est devant l’Abbé Le Golf, et elle place sur son épaule sacerdotale la croix qu’elle porte elle-même. En ce moment, elle est dans le ravissement de l’extase, elle lit dans le ciel et prononce à voix basse quelques paroles que l’Abbé Le Golf entend très bien et que j’entends moi aussi. Elle commence en ces termes :

- Mon frère du Tiers-Ordre de Saint-François, je vois tous vos désirs écrits dans le Divin Coeur de Jésus. Etc.

Qui donc lui avait dit que l’Abbé Le Golf avait eu l’idée d’écrire sur une feuille de papier les grâces qu’il désirait obtenir ? Moi-même, je ne le savais pas. Et cependant, la stigmatisée lui a parlé en ces termes.

De l’Abbé Le Golf, elle vient à moi, le regard toujours fixé dans le ciel, le coeur haletant et la bouche entrouverte. Je me jette à genoux et aussitôt la croix pèse sur son épaule gauche. Elle me dit à voix basse, mais de manière à être entendue de l’Abbé Le Golf lui-même :

- Jésus-Christ vous dit qu’Il est content. Priez pour moi.

Elle passe alors à l’Abbé Bihan et lui dit quelques paroles que nous n’entendons pas. Puis elle fait le tour de l’auditoire en murmurant une parole ou deux à l’oreille de chacun. Il y avait là un Comte et une Comtesse venus de Cambrai, deux personnes de Blain, la mère Jahenny et, à la porte, l’envoyé de l’Archevêque de Tours qui, étant arrivé le dernier, avait pris une chaise qu’il plaça dans la cuisine mais en face de l’entrée du cabinet ; la croix lui fut imposée comme aux autres. Après cette scène si frappante, Marie-Julie recommence son chemin de croix en martelant le plancher de ses genoux. Bientôt elle est à bout de forces ; elle tombe comme la première fois en frappant le plancher de son front et de ses deux coudes, et en reproduisant le bruit que j’ai déjà mentionné. Prosternée la face contre terre, elle commence par épancher l’amour dont son coeur déborde pour son Bien-Aimé Jésus, elle salue la croix comme source de toutes consolations. Puis, jetant un coup d’oeil d’ensemble sur le genre humain, elle dit que l’homme dans son enfance n’aime pas la croix, dans sa jeunesse il la rejette, dans sa vieillesse il la prend. Heureuse vieillesse qui prépare à l’éternité bienheureuse.

Maintenant, elle jette son regard sur les temps actuels. Il n’y a plus de respect, dit-elle, pour Dieu ni pour ses ministres sur la terre. Les sacrilèges, les blasphèmes, les violations du dimanche, voilà ce qui couvre la terre. Puis, d’une voix plus vibrante que jamais, elle apostrophe les pêcheurs :

- Écoute, pêcheur, jusques à quand resteras-tu dans ce terrible état ?

Bientôt la stigmatisée détourne les regards de son âme de cette multitude de pécheurs qui la font frémir, et elle considère les justes. Hélas, parmi eux, elle trouve encore de grands travers :

- On veut bien souffrir, s’écrit-elle, mais on veut toujours choisir sa croix. On murmure quand on la reçoit arbitrairement de la main de Jésus, ou bien on ôte le crucifix et l’on porte seulement le bois de la croix. O doctrine perverse, dit-elle, et cependant doctrine si répandue ! On achète un crucifix de luxe qu’on montre mais qu’on ne porte pas dans le coeur.

Toutes ces idées sont développées avec une facilité et une diction admirables. Alors elle enseigne la dévotion à la croix, source de bénédictions, de consolations, de parfums délicieux. Elle enseigne spécialement la dévotion à la douleur de l’Épaule. Elle-même a cette dévotion et elle en a tiré de grandes grâces. Puis elle cite une prière très efficace pour obtenir des secours. La voici, du moins en substance :

- O Jésus aimant, ô doux Agneau, c’est moi qui Vous ai causé cette douleur de l’Épaule, cependant au nom de cette douleur, donnez-moi vos faveurs.

Puis, pour exciter l’ardeur de l’amour pour la croix, elle annonce que Jésus demande et cherche des âmes amoureuses de la croix. Et soudain, emportée par son élan d’amour, elle dit d’une voix à faire couler les larmes  :

- O Jésus, ô mon Bien-Aimé, ô mon cher Sauveur, me voici, prenez-moi. Après la victime du Sacré-Coeur, je suis la victime de la croix. Faites-moi souffrir, crucifiez-moi, misérable pécheresse. C’est au pied de la croix que j’ai tout appris, c’est là que je veux vivre et mourir.

Tout ceci dure environ une demi-heure, après quoi la stigmatisée se relève doucement. Ses yeux sont fermés et elle recommence sa marche pénible.

Comme nous portions des croix sur nous, la stigmatisée de temps à autre se tournait vers nous et se consolait dans le doux baiser du crucifix. Mais cette fois, il n’en est plus de même. Déjà elle s’est arrêtée une fois en présence de l’envoyé de l’Archevêque, semblant lui demander quelque chose. Celui-ci ne sachant que faire, et n’ayant rien à offrir, reste à sa place. Que demande-t-elle donc ? Au commencement de l’extase nous avons vu un homme de haute taille entrer dans la maison, Il portait entre ses bras une grosse boite assez lourde qu’il déposa dans un coin avec un air très satisfait d’être débarrassé d’un poids si lourd. Qu’est-ce que cela voulait dire ? L’homme à la boite dit à voix haute :

- Cela vient de la part de l’autorité ecclésiastique.

Et il s’essuyait le front.

Me voilà dans les conjectures. Mais aussitôt la mère Jahenny nous dit :

- Vous pouvez entrer, Messieurs.

J’entrai et, depuis ce moment, je perdis de vue la boite au secret. La stigmatisée avait donc été vis-à-vis de l’homme étranger dont je viens de parler, et maintenant voici qu’elle revient, continuant toujours son chemin de croix. A chaque pas, tout son buste se soulève rapidement, comme pour ne pas être écrasé sous le poids. Pendant ce temps, l’étranger, surpris une première fois, était allé ouvrir la botte. Il prenait une statue et revenait à sa place. Cette statue miraculeuse date du Xlllème siècle. Elle avait été cachée pendant la révolution, elle fut découverte dernièrement et envoyée aujourd’hui à La Fraudais.

Au moment où je parle, l’étranger, assis en dehors du seuil de la porte du cabinet, tient la statue, haute de un pied ½  ou deux pieds. Que va faire Marie-Julie ? Elle a les yeux fermés, va t’elle sentir la statue miraculeuse ? Elle se détourne, elle avance, elle arrive. Ses genoux se frappent contre le seuil ; elle avance la tête et ne pouvant arriver, elle monte sur le seuil, jette tout son corps en avant sans s’occuper des lois de l’équilibre et avec une joie bien visible, avec un sourire de bonheur, elle colle ses lèvres sur les pieds, les mains, la face de la statue de Marie.

Ici, il n’y a plus de lenteur ; c’est avec la vivacité d’une joie très grande qu’elle promène ses baisers sur toute l’image miraculeuse. Puis, étendant les bras, elle la serre contre sa poitrine, l’emporte d’entre les bras de cet étrange laïque, descend péniblement du haut du seuil, vient vers nous à genoux, supportant la statue miraculeuse, et devant nous Marie-Julie, emportée par le ravissement de l’extase, ouvre les yeux et lit dans le ciel :

- Ma bonne Mère, ma bonne Mère, dit-elle à voix basse, et elle la couvre de baisers.

Soudain, elle s’adresse de nouveau, à nous, prêtres. Elle dit à l’Abbé Le Golf qui tenait la statue :

- Vous aurez des joies et des consolations ineffables, etc.

A l’Abbé Bihan, elle donne sa croix en lui disant quelques paroles. Puis promenant les deux bras dans l’espace, elle dit à voix basse :

- Encore une croix, encore une croix.

Je lui en mets une dans la main. Et alors, elle se détourne vers moi. Nous sommes à genoux, l’un vis-à-vis de l’autre. Je vois les pupilles de ses yeux, fixées dans le ciel, sa face allongée, ses lèvres entrouvertes. Elle descend vers moi et me dit :

- Voici une croix, gardez-la. Vous en aurez un rude besoin.

Après ces paroles, elle reprend sa croix, et continue sa marche silencieuse dans la voie douloureuse. La statue est placée au milieu de la chambre et chacun retourne à sa place. Quelques minutes après, Marie-Julie tombe pour la troisième fois et de la même façon que précédemment. La croix tombe à côté d’elle. Dans cet état, la joue droite et le coin de la bouche étant appliqués sur le plancher. Marie-Julie commence une troisième prière qui dure encore environ vingt minutes. Sa voix reste forte, libre et sonore.

Cependant vers la fin, on sent que la gorge est un peu fatiguée. Cette prière a été la plus belle de toutes. Elle a arraché des larmes à tous les assistants, et même j’en ai vu un qui, non seulement pleurait mais sanglotait. Malheureusement, je ne suis plus à même de la suivre. Elle commence par saluer la croix, témoigne à son cher Jésus, la joie qu’elle ressent en arrivant au Calvaire, et demande d’être attachée à la croix. Alors, St Thomas, St Jean Chrysostome se présentent à elle dans sa vision. Elle les remercie de ce qu’ils viennent l’instruire tous les jours, elle, misérable pécheresse, véritable Magdeleine. St François d’Assise se présente également. Elle le salue avec un accroissement de bonheur. Elle l’appelle le séraphin du ciel elle lui parie de sa soeur l’hirondelle, de son frère le loup, etc.

Puis, c’est nous-mêmes, les trois prêtres bretons qu’elle revoit dans son extase.

- Je Vous prie, ô mon Dieu, pour les trois prêtres bretons qui sont ici présents. Je vois leurs âmes comme de blanches colombes au milieu d’un océan d’amour. Autour de chacune d’elles, se trouvent d’autres petites colombes qui voltigent tout autour : ce sont les âmes dirigées par eux.

Et plus loin, elle dit :

- Il y a parmi nous un Frère qui porte une croix dans son coeur et cette croix l’empêche de faire tout le bien que désire son âme, O mon Bien-Aimé, donnez-moi une partie de ses croix : je veux les porter. Donnez-les moi, à moi, misérable pécheresse. Cependant, ô mon Dieu, que Votre Volonté soit faite. Il est doux de souffrir avec une entière résignation à la sainte Volonté de Dieu.

Après cette prière, Marie-Julie se lève. Elle a un ravissement. Elle étend ses bras et ses mains ensanglantées et se tourne vers l’est. Elle dit à Dieu de lui faire souffrir toute espèce de tourments, de la crucifier à l’arbre de la croix, et soudain elle tombe à la renverse, toute d’une pièce comme une planche qui tombe, elle met les bras en croix, applique le pied droit sur la plante du pied gauche et reste en cette position pendant une heure et demi. C’est le crucifiement, c’est Jésus en croix, c’est la dernière extase avant la mort mystique. En ce moment, nous nous mettons tous à genoux pour réciter cinq Pater et cinq Ave Maria.

Puis nous causons doucement entre nous. Un des étrangers nous dit que si nous voulions la soulever maintenant, elle se soulèverait toute d’une pièce car ses membres ne sont plus flexibles. Nous n’avons pas osé faire l’expérience. Cependant je me suis courbé sur l’orifice de plusieurs petites plaies. C’est en ce moment que l’on dépose sur sa poitrine les objets de piété que l’on possède. Nous y avons mis des croix, des médailles et des images et chaque fois que nous déposions quelque chose, chaque fois nous voyions les lèvres de Marie-Julie remuer. On dit que pendant cette extase, elle demande au ciel une certaine bénédiction sur les objets déposés sur sa poitrine.

Revenons à la stigmatisée. Pendant tout ce temps, elle ne bouge pas plus que ne ferait une statue, étendue sur le dos et les bras en croix. Elle est aussi tout à fait silencieuse. Au bout d’une demi-heure environ, une petite voix douce et très mélodieuse se tait entendre. C’est la stigmatisée elle-même qui chante un hymne ou un cantique. Dans son extase, elle compose à la fois es paroles, l’air et la mesure et chante d’une voix toute céleste comme si elle voulait se mettre à l’unisson des Anges. Le premier cantique est sur le ton du Te Deum. Il e pour refrain : " Mon doux Jésus, je me meurs de regret de ne pouvoir mourir. " Le second cantique commence par ces paroles : " Mon Bien-Aimé, etc. " Tous deux expriment des idées sublimes énoncées très simplement et enseignent toujours l’amour de la croix. Après les cantiques elle se remet à prier à voix basse. De temps à autre, on lui donne la croix à baiser ; une fois elle demande l’Ecce Homo.

Enfin après une heure et quart, il s’opère en elle quelque chose de prodigieux. Sa poitrine se gonfle, se ramasse et s’agite convulsivement, comme si elle était labourée par un poignard. On croit entendre un bruit sec, semblable à celui d’ossements qui se brisent et en même temps un air indicible de souffrances se répand comme un éclair sur toute la personne de la stigmatisée. Tout cela dure environ une minute et tout retombe dans le silence. Les pieds de Marie-Julie ne sont plus l’un sur l’autre, les bras tombent le long du corps, les mains sont froides. C’est, me dit-on, la mort mystique, et cette mort doit durer dix minutes environ. Les contorsions que nous venons de remarquer proviennent du coup de lance qu’elle reçoit mystiquement. Elle doit en ce moment supporter des douleurs atroces. Au bout de sept à huit minutes, elle s’éveille. La mort est vaincue, c’est une résurrection. Marie-Julie se lève, elle a un ravissement, voit son Bien-Aimé et Lui parle, je crois que les mains sont jointes en ce moment.

- Beau Paradis, beau Ciel que tu es à désirer ! 0 Jésus, mon âme immortelle souffre dans sa prison. Elle désire s’envoler, etc. Celle prison est déjà vermoulue, elle tombe en poussière. Un seul lien me rattache à elle. O mon Jésus, mon cher Jésus, coupez, tranchez ce lien. Que je voudrais m’envoler dans les splendeurs éternelles ! ... elle baise la croix !

Mon Bien-Aimé me dit que la voie va se fermer et que mes prières sont exaucées. Oh ! merci, mon Jésus, merci, mon Bien-Aimé, emmenez-moi...

Je vois la Vierge Marie au pied du Trône éternel... Mais pendant ce temps la vision disparaissait de plus en plus. Ce n’étaient plus les flots de lumière surnaturelle qui l’inondaient tout à l’heure, ce n’est plus qu’un crépuscule qui va toujours faiblissant.

O ma Mère, s’écrie la stigmatisée enjoignant les mains vers le ciel, emmenez-moi.

Puis, elle va devant elle, elle semble emportée par la vision.

- Ma bonne Mère, dit-elle enfin d’une voix larmoyante, emmenez-moi ! Oh ! Emmenez-moi.

La mère de Marie-Julie était là, toute prête. Elle a étendu les bras pour soutenir sa fille et l’a conduite sur un siège placé au bout du lit.

L’extase était terminée à cinq heures et quart ou cinq heures et demi du soir. Aussitôt, nous voulons lui parier.

- Non, dit la mère, elle est encore trop fatiguée et véritablement elle était tout essoufflée. Au bout de cinq ou six minutes, elle était remise, et tous trois nous avons le bonheur de former cercle autour d’elle et de sa mère. Sa soeur aussi était là, disposée à nous servir d’interprète auprès de Marie-Julie. Assise dans sa chaise, la stigmatisée était toute transformée. Sa figure, au lieu d’être allongée, était devenue assez ronde. Elle nous reçut avec une candeur, une douceur, une simplicité, une confiance très grande. Un sourire très aimable était toujours sur ses lèvres, mais pendant qu’elle nous parlait, ses yeux étaient toujours baissés. II n’en était pas de même quand une femme ou une fi1e se présentait. Nous lui donnâmes chacun une image.

- Oh ! merci, bon petit Père. Je crois que c’est là le terme pour désigner le prêtre dans son patois.

A son tour, elle nous donne à chacun, deux jolies petites images et un petit crucifix. Nous nous fîmes des promesses réciproques. Et enfin, nous nous séparâmes, le coeur inondé de joie.

Voilà ma visite à La Fraudais. Dans ce fait, y a t il du surnaturel ? Oui, certainement. Le doute n’est même pas possible pour quiconque a vu de ses yeux. Est-ce du surnaturel divin ou simplement diabolique ? J’espère que l’Église le dira plus tard. Je sais que le démon a eu ses stigmatisées ou du moins quelque chose de semblable. Je sais que le démon a eu ce que j’appellerais bien des mater dolorosa. Mais ici tout se trouve à la fois :

Les stigmates les plus beaux qu’on ait jamais vus, les ravissements, l’extase, l’abstinence, le siège diabolique, la doctrine excellent. Tout pousse vers le bien ; rien ne porte au mal, rien, absolument rien. Pour moi, personnellement, je crois fermement au surnaturel divin.

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Récit de l'Abbé Gouron

Nous sommes trois compagnons de route : l’Abbé Le Golf, vicaire de Plougoumelen, l’Abbé Bihan, vicaire à Mériadec et moi.

Le mercredi, 6 novembre 1878, nous montons dans le train à Sainte-Anne.

Le lendemain, nous étions en marche vers La Fraudais, petit village de campagne, si célèbre par la présence de la stigmatisée Marie-Julie... Nous voilà dans la boue d’un vilain chemin qui nous mène directement dans le hameau tant désiré.

Nous entrons, c’était le jeudi soir, vers une heure et demie. Une jeune paysanne vient nous recevoir, et sa première parole est celle-ci : " Nous n’acceptons pas d’étrangers le jeudi " .

Sa mère, une femme de 60 ans environ, sort d’un cabinet, nous considère en nous répétant le même refus.

- Cependant, disions-nous, nous sommes venus de loin, pour assister aujourd’hui à l’extase.

- N’importe, réplique-t-elle, nous ne pouvons accepter les visites du vendredi.

Puis après un moment de réflexion, elle nous dit :

- D’où êtes-vous ?

- Nous sommes des environs de Sainte-Anne d’Auray.

A ce nom de Sainte-Anne, un consolant sourire apparaît sur tous les visages :

- C’est donc vous qui nous avez écrit des environs de Sainte-Anne d’Aura y ?

- Oui, Madame.

- Nous n’acceptons pas d’étrangers le jeudi, cependant entrez.

Et la porte du cabinet s’ouvre. Nous sommes dans un sanctuaire.

Vis-à-vis de la porte, dans le fond du cabinet, se trouve un lit, et sur ce lit, était étendue sur le dos, une personne de 28 ans. Quoique toute habillée, elle était cependant sous des couvertures qui se repliaient sur sa poitrine pour laisser sortir les bras. Ses deux mains se rejoignaient pour tenir et serrer deux crucifix avec quelques fleurs des champs, ces fleurs étaient-elles naturelles ou non, je n’en sais rien. Sa tête reposait doucement sur un oreiller, et ses yeux restaient fermés comme dans un sommeil extatique. Du premier coup d’oeil, je vis très bien sa couronne d’épines et les stigmates de ses mains. Elle était là, parlant d’une voix lente, accentuée et assez forte.

Près d’elle, dans l’embrasure de la fenêtre était un homme courbé sur une main de papier :

Il écrivait de toute la vitesse de ses doigts, les paroles qui tombaient des lèvres de la stigmatisée. Ce scribe est un ancien notaire de Nantes qui, à l’exemple de Clément Brentano, a tout laissé pour recueillir les visions et les révélations de Marie-Julie.

Le bruit que nous fîmes en prenant des chaises et en nous asseyant, passa tout à fait inaperçu. L’extatique ne voyait et n’entendait rien. Alors enfin, nous tendîmes l’oreille.

Pendant trois heures entières, Monsieur Charbonnier, l’ex-notaire écrivit ce que dictait la jeune personne. Mais comme il nous était défendu de prendre des notes, je ne puis que me rappeler les idées principales que je vais tâcher de coordonner ici.

D’abord, elle parlait d’un Saint et ce Saint devait se trouver là devant les regards de son âme, lui dictant ce qu’elle avait à dire. Au moment de notre entrée, elle disait :

Votre nom, ô Saint, est difficile à prononcer.

- Je m’appelle Grelut, dit le Saint.

Ici, comme à la fin de chaque phrase, la stigmatisée éprouvait un mouvement thoracique très prononcé comme pour aspirer l’Esprit Saint. Puis elle continue :

- C’était, dit-il, pendant la grande persécution. Je fus étendu sur des barres de fer. On avait mis sous mon corps des charbons ardents, on en mit également par-dessus, de telle sorte que j’étais enfermé dans ce brasier, comme dans un tombeau. Jamais, dit le Saint, je n’ai passé une journée aussi délicieuse ! Le lendemain, je fus attaché à un poteau garni de pointes de fer. On m’y lia au moyen de bandelettes couvertes de pointes aiguës. On m’ouvrit la poitrine avec un instrument affilé et tranchant, et on introduisit des charbons enflammés par cette large ouverture que l’on referma au moyen de bandelettes ; l’heure de ma délivrance allait sonner, dit le Saint. Mon corps fut jeté dans la rivière et mon âme s’envola vers le ciel. Puis vient une magnifique description du ciel, qu’il est impossible de reproduire.

Après cette vision historique, Marie-Julie resta silencieuse pendant trois ou quatre minutes. Puis, comme se réveillant, elle aspira très fortement et parla sur un autre sujet.

- Je vois, dit-elle, l’Esprit Saint qui descend du ciel. Je le vois semblable à une colombe.

Il dit : Je suis la Voie, la Vérité et la Vie. Je viens répandre sur la terre un esprit d’amour, un esprit de vérité, de science, de sagesse.

Reposons-nous un instant dans le Coeur de Notre-Seigneur avant d’entrer au Saint Noviciat dans les amours et les splendeurs de Dieu.

En attendant la continuation, nous causons entre nous. Je me rappelle en outre qu’elle se trouve au 13éme degré de son Noviciat. C’est l’échelle mystique qu’elle monte petit à petit à mesure qu’elle avance dans la sainteté.

Cette échelle n’a que 14 degrés, Jésus a parcouru ces 14 degrés Lui-même puisqu’il y a 14 stations dans le chemin de croix. Quand elle aura donc monté le 14éme, son Noviciat sera terminé et elle entrera dans les splendeurs éternelles. Louise Lateau parcourt la même échelle mystique car il est dit qu’elle était il y a un certain temps au 5ème degré.

Voici le réveil, écoutons : ici elle parle de l’étude mystique, c’est-à-dire de cette partie la plus élevée de la théologie que Saint Thomas, Sainte Thérèse, Saint Français de Sales ont tant cultivée. Après un magnifique préambule où les paroles dictées montrent que l’Esprit Saint parle d’elle-même, elle aborde la prière de l’âme, c’est-à-dire une des parties les plus sublimes de la mystique divine.

- L’âme, dit l’Esprit Saint, a besoin de prier. Sa prière monte vers Dieu comme un parfum agréable. Dieu l’exauce et fait descendre aussitôt sur cette âme une rosée céleste qui la pénètre, l’humecte et l’embaume. Fortifiée par ces grâces, l’âme remonte vers Dieu. Sa prière s’élève jusqu’au trône de l’Éternel, et là, se transforme en mille petites perles. Au milieu de chacune de ces petites perles se trouve l’objet de la prière. Dieu l’exauce et fait redescendre sur elle une grande perle remplie des richesses et des grandeurs divines. Cette grande perle pénètre l’âme et la remplit de vertus. L’âme en cet état ne vit plus que pour Dieu et, semblable à son Bien-Aimé, elle est avide de porter sa croix. Oh ! qu’on est heureux de souffrir sur la terre, dit l’Esprit Saint.

Puis, par des développements admirables, elle montre l’âme immortelle, chargée de sa croix en communiquant à son corps les effets de ce portement de croix. Ce sont d’abord les stigmates, c’est ensuite la délivrance de toutes les nécessités corporelles par la croix. Je vois, disait-elle, des tuyaux qui reçoivent leur rafraîchissement. Enfin, par sa démonstration la croix devenait l’unique consolation, l’unique espérance, le bonheur de l’âme et du corps. Puis elle s’écriait :

" Qu’on est heureux de souffrir sur la terre. La croix, dit l’Esprit Saint, c’est le gage d’amour qui donne I’Époux â l’épouse.

L’Esprit Saint me dit que le travail de la haute contemplation étant beaucoup plus fatigant que tous les travaux de la terre, il faut se délasser un moment. "

Alors, elle rentre dans le silence pendant environ cinq minutes. Tout à coup, on voit sa poitrine se soulever ; elle aspire fortement et recommence ainsi :

- L’Esprit Saint me rappelle en ce moment un mot très court sur l’oraison mentale. L’oraison mentale est le pain de l’âme. la forteresse de l’âme. Trois choses sont absolument nécessaires, dit-il, Lui, Dieu, pour faire l’oraison mentale. La première, il faut que l’âme se pénètre de cette pensée ; qu’elle parle à son Dieu, son Souverain, son Créateur, son Rédempteur et qu’elle se détache de tout objet extérieur, qu’elle oublie tout pour ne se mouvoir qu’en Dieu.

Il dit ensuite, l’Esprit Saint : il faut avoir une grande droiture d’intention, un esprit calme et sans trouble ; il faut s’abîmer dans sa bassesse et dans son néant au moyen d’une humilité sincère.

Puis elle continue en corroborant cette pensée par plusieurs belles périodes de phrases. Elle finit en disant :

- Cela plaît souverainement â Dieu, dit l’Esprit Saint.

Maintenant, Il dit encore, Lui, l’Esprit Saint : la méditation par paroles est moins parfaite que la méditation par pensées, car certaines paroles suffisent pour préoccuper l’esprit et entraîner hors de l’oraison. Une seule pensée suffit pour méditer pendant une heure et même deux heures, dit l’Esprit Saint ; C’est ainsi que l’âme se nourrit et qu’elle avance rapidement dans la perfection. C’est ainsi qu’elle prend son essor pour s’envoler semblable à une colombe dans le sein de Dieu.

A ce moment, Marie-Julie se tut. L’extase touchait à sa fin car il était 4h ½. Cependant, elle éleva encore la voix pour dire que l’Esprit Saint allait fermer la voie, et l’invitait à se reposer.

Alors, eut lieu le retour de l’extase. Je m’approchai de son lit et je penchai la tête pour comprendre les paroles qu’elle murmurait en serrant son crucifix sur ses lèvres. Elle était là, les yeux ouverts et la pupille fixée vers le ciel. Ses larmes coulaient et ses lèvres serrées contre le crucifix murmuraient ces paroles entrecoupées : " Mon doux Jésus, embrasez-moi. Je vous prie pour X et pour X ". Cependant, la voie se fermait de plus en plus ; elle allait se retrouver sur la terre. Alors, ce fut avec une effusion indicible de douleur et d’amour qu’elle murmura ces paroles :

- " Oh ! encore sur cette terre ! "

Vivement impressionnés par cette dernière scène, nous sortîmes en souhaitant le bonsoir à la famille et en lui disant à demain.

Avant de clore cette journée, je veux encore insérer un fait très digne de remarque, et dont j’ai fait moi-même l’expérience. Pendant que Marie-Julie était dans cet état silencieux que j’appellerais bien sommeil de l’extase, nous nous sommes levés pour lui donner notre bénédiction. L’extatique restait dans son immobilité et ne s’en apercevait pas. Alors, nous avons mouillé l’extrémité de nos doigts dans de l’eau bénite, et nous avons recommencé. Chose surprenante ! à chaque bénédiction, elle tressaillait sans ouvrir les yeux, mais avec un air visible de joie et de plaisir. Nous avons recommencé l’expérience diverses fois et toujours avec le même succès. Voilà la visite du jeudi.

A cinq heures et demi, nous étions dans la boue, revenant péniblement vers Blain, mais le coeur était content.

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Un autre chemin de Croix

Une heure moins le quart - Marie-Julie est assise dans un fauteuil de paille, la tête appuyée sur son lit. Elle est oppressée. Monsieur David dit que c'est du bonheur qu'elle éprouve de s'unir à son Sauveur. On nous place sur des chaises et sur des bancs autour de la chambre qui ne peut que contenir sept ou huit personnes, les autres au nombre de sept se mettent à la porte en dehors de l'appartement (sa chambre).

Marie-Julie demande la bénédiction des prêtres qui sur l'invitation de Mr David, se lèvent pendant que toute l'assistance imite Marie-Julie en se prosternant pendant la bénédiction sacerdotale. Elle se rassied et presque aussitôt l'extase commence :

" Mon bien-aimé Jésus, je vous adore et je vous aime et je vous vois venir à moi tout plein d'amour et de tendresse ! Mon bien-aimé Jésus, cachez-moi dans ce saint amour. Mon coeur s'envole vers vous, mon bien-aimé Jésus, recevez-moi ! Venez vers moi, Amour de mon coeur, transporté d'amour. Je n'ai pas mérité de posséder tant de bonheur, je serai près de Vous, près de cette croix, cher Trésor Époux bien-aimé. Je vous donne mon coeur pour marcher sur vos traces.

Faites-moi souffrir car je languis d'amour. Mon coeur est à vous, renfermez-le dans le vôtre. C'est trop d'amour. Donnez-moi des souffrances, des croix, mon Époux du Calvaire ! "

La servante de Dieu met ses mains derrière le dos, elle continue ses effusions saintes. Elle assiste à l'agonie du Sauveur au Jardin des Oliviers ; on le maltraite, on le condamne, on l'outrage, on le charge de sa Croix. Marie-Julie partage les douleurs de Jésus et mentionne la colonne de la flagellation, les traitements barbares infligés à Jésus-Christ. Elle admire l'héroïsme de Véronique qui, bravant les soldats et les bourreaux, arrive jusqu'au Divin Maître et lui essuie le visage couvert de sueur. D'après les paroles de l'extatique, les saintes femmes, Madeleine en particulier, tentent certains soulagements pour Notre-Seigneur que la tradition ne rapporte pas. Marie-Julie implore et le pardon de Jésus et sa clémence.

Marie-Julie : Dépouillez-moi dit-elle, et de ma volonté, et de ma liberté, donnez-moi votre amour, donnez-moi votre croix, vos épines et vos clous. Dépouillez-moi de tout, revêtez-moi de vos habits de la pauvreté, donnez-moi un vêtement au pied de votre croix, la pureté, la virginité. Pardon pour les pauvres pécheurs, pour moi, mon bien-aimé Jésus !

L'homme des douleurs ne pousse pas un murmure. Modèle accompli de patience, de résignation, de charité.

Marie-Julie se met à genoux et commence le chemin de la Croix, marchant en silence sur ses genoux et portant une croix mystique qui l'écrase et la fait marcher sous sa pesanteur avec une difficulté extrême. Elle porte une petite croix avec les deux mains au-dessus de l'épaule gauche.

Une heure vingt minutes - Première chute.

Elle tombe la face contre terre et pleure. Après un certain temps pendant lequel elle parle tout bas et prie, elle dit à haute voix :

Marie-Julie : Mon bien-aimé Jésus, je vous adore et je vous aime. Je vous vois porter mes péchés, dans votre tendresse et dans votre amour. Comment ne pas demander à souffrir, misérable pécheresse que je suis ! Mon bien-aimé Jésus me dit :

Jésus : Veux-tu souffrir davantage ? Veux-tu souffrir pour consoler mon Divin Coeur ? Souffrir pour la conversion des pauvres pécheurs ?

Marie-Julie : Oh ! trop heureuse de souffrir avec vous sur le bûcher du supplice de la Croix. Toujours et partout souffrir ! C'est là que je goûte mon bonheur. Il faut que je souffre. Oh ! préparez-moi des croix, des souffrances !

Elle se remet à genoux et continue ainsi le chemin de la Croix, portant le bois mystique avec plus de peine et de fatigue qu'auparavant.

A une heure trente cinq minutes, deuxième chute. Elle parle tout bas, sanglote et prie. Sa petite croix est tombée à sa gauche, détachée d'elle. Puis elle dit tout haut :

Marie-Julie : Mon bien aimé Jésus, je vous adore et je vous vois et je vous suis. Depuis assez longtemps je vous offense, vous avez assez longtemps souffert pour moi ! Je vous promets ô mon Trésor, je vous promets de mourir plutôt mille fois que de vous offenser.

Jésus montre ses plaies. Il tombe la face contre terre et la croix se sépare de Lui. Oh ! mon Père ! O mon Verbe éternel, je contemple vos plaies adorables. Elles sont autant de voix qui crient pour demander des prières !

Paroles de Jésus : Prépare ton coeur, me dit le bon Jésus dans sa tendresse, donne-moi ton amour. J'ai vu que tu partages mes souffrances. Ce que je te ferai supporter te conformera à ma volonté, appellera les grâces et les bénédictions du Ciel.

Marie-Julie : Je vois la plaie sanglante de son Épaule ! Combien elle est profonde et douloureuse.

Jésus : Je te dirai les prières qui allègent mes souffrances. Je désire que cette plaie soit connue de mes enfants.

Mon divin Jésus ouvre son Coeur. Il dit :

Jésus : Les personnes pour qui tu pries, qu'elles viennent frapper à la porte de mon Coeur divin. Je purifierai par la douleur et des sacrifices, ce que vous me demandez.

Une heure trois quarts. Marie-Julie se met encore à genoux, reste quelques instants, les regards fixés vers le ciel, referme les yeux et marche de nouveau sur ses genoux. Elle s'arrête près de son fauteuil, s'appuie sur le Curé de Savenay (monsieur l'Abbé Mauclerc) auquel elle donne sa petite croix (de 20 à 30 centimètres), fixe de nouveau ses regards vers le ciel. Elle est oppressée, elle sanglote, referme les yeux et laissant sa petite croix entre les mains du prêtre, elle continue sa marche avec sa croix mystique et si pesante.

Une heure cinquante cinq minutes - Elle tombe pour la troisième fois, la face contre terre, le haut des bras détachés parallèlement à la direction du corps. Elle sanglote. Après un certain temps de silence et de prières, elle parle de nouveau :

Marie-Julie : Mon bien-aimé Jésus, je vous demande d'avoir part sur le Calvaire, à vos souffrances. La Croix de votre sacrifice se prépare. Cruels bourreaux, clouez-moi à la place de mon Jésus, c'est moi qui ai mérité toutes ces douleurs ! Mon Sauveur me dit :

" Viens sur ma Croix "

O tendre amour de la croix, quand on vous a goûté, on ne peut plus vous quitter ! Étendez-moi sur ce gibet, je veux vivre et mourir sur la Croix, sur la Croix du Calvaire.

Elle essaie de se relever six fois et six fois elle tombe toujours la face contre terre ! Au septième effort, elle se remet à genoux.

Marie-Julie continue ses invocations au Divin Coeur de Jésus. Elle invoque Marie et associe ses prières à celles de la Vierge sans tache. Elle assiste au couronnement d'épines, au crucifiement et son langage est celui d'un Ange réclamant les tourments du Roi éternel des siècles, consommant son holocauste réparateur. Elle ouvre les bras et lève les yeux au ciel :

" Trop douce souffrance, viens accomplir le sacrifice que je demande de toi. Mon coeur nage dans les délices, je suis avec vous sur cette Croix qui console ! "

Trois heures un quart - Elle élève les mains en ouvrant davantage les bras, se tourne, met le pied gauche sur le pied droit et tombe en arrière de son haut les bras ouvert et élevés, les mains crispés comme cloués à la Croix. Elle dit les litanies de Sainte Germaine (composées par elle) dont chaque verset commence par : " Sainte Germaine, épouse de Jésus-Christ ou ma petite soeur, ô ma Germaine etc. "

Après ces litanies qui sont admirables, elle chante sur un air de complainte, ayant les bras dans la même position, elle est toujours sur la Croix et dit :

" Chaque jour, ô mon Époux du ciel, donnez à mon coeur, une douceur extrême, du haut de la Croix, ô Jésus, du haut de la Croix, jetez un tendre regard sur vos enfants qui pleurent et qui gémissent. Mon bien aimé Jésus, montrez-nous votre amour. Du haut du ciel, regardez vos enfants. Pitié mon Dieu pour les pécheurs qui jusqu'ici n'ont pas écouté !

Et vous, ô Marie, ô ma tendre Mère, priez Jésus votre très cher Fils ! Demandez qu(Il ait pitié de nous !

Sans vous mon Dieu, hélas, sans vous, nous périssons ! Cachez-nous dans votre Coeur, tendre Marie, portez tous nos coeurs à Jésus ! O Divin Maître, nous irons tous en vous bénissant, à votre saint Coeur. Il sera notre défense. Il sera le Roi des hommes ! Divin Jésus, faites sortir la victoire de votre Coeur adorable. Manifestez votre clémence.

Précieux Trésor que la Croix ! Quel riche partage que de posséder la Croix ! Pitié mon Dieu du haut de la Croix pour vos enfants couvert d'un habit de deuil. Montrez-nous la fleur d'espérance qui doit un jour nous sauver.

Marie, mon auguste Mère, présentez à Jésus, les plaintes de nos coeurs et dites-lui que nous désirons la paix. Votre cher Fils ne sait rien vous refuser ! Hâtez ce temps de la paix. Pitié pour vos enfants !

Oh ! Marie, demandez à Jésus qu'Il pardonne avant d'exercer sa divine Vengeance ! Nous ne péririons pas car Marie nous le promet. Marie notre Mère nous protégera. "

Trois heures quarante cinq minutes. On dit une dizaine de chapelet pendant que Marie-Julie ne parle pas.

Trois heures cinquante minutes. Elle est frappée d'un coup de lance. On voit ses souffrances qui se trahissent par des soupirs de douleur et son côté qui se contracte. Elle embrasse le crucifix qu'on lui a présenté, elle prie tout bas et est immobile.

Puis, à quatre heures, elle dit :

" Mon bien-aimé Jésus, je vous adore et je vous aime de tout mon coeur. Je vous vois mort pour moi sur cette croix ... Là, sont bien des coeurs attendris mais il en est d'autres qui sont bien froids et bien durs, chez qui la foi est morte. Pitié pour ces malheureux ! Réveillez l'amour en eux !

Mon bien-aimé Jésus se penche avec pitié, les appelle dans sa miséricorde. "

Parole de Jésus : " Amour, accourez, pécheurs,  dit-Il, c'est le temps du pardon, du repentir, de la contrition. Bientôt ce temps sera passé. Je ne pardonnerai plus, ce sera l'heure de la Justice, et Je frapperai. "

" Le Coeur de mon Dieu est rempli de trésors cachés et mon encore connue. Bientôt,dit le Sauveur, vous verrez combien mon Coeur possède d'amour pour vous. Oh ! mes enfants qui avez cessé de m'offenser ! Je ne veux pas vous laisser périr parce que vous êtes mon ouvrage, je vous ai pardonné et vous pardonne chaque jour !

Au pieds de la Croix pour la pauvre France, j'ai vu Marie étancher ses larmes avec son manteau. Depuis longtemps elle retient le bras de son Fils. Elle suspend sa Justice. Marie demande des prières aux enfants du Sacré-Coeur. Elle se fait mendiante pour nous ; Elle sollicite du Sacré-Coeur encore un peu de temps pour que nous l'invoquions encore. Le Divin Jésus pardonnera-t-Il ? "

Marie-Julie voit Saint François d'Assise au pied de la Croix et laisse tomber de son âme des accents dignes du Fondateur de l'Ordre Séraphique.

Marie-Julie baisse les bras le long du corps : c'est le tombeau. Elle reste immobile. Puis à quatre heures et demie, elle reçoit un nouveau coup de lance (ou bien le sang de l'autre coup de lance semble l'étouffer.)le embrasse le crucifix, sa relique de la vraie Croix, la statue de la Sainte Vierge.

Elle demande l'image de Saint François d'Assise ; un prêtre en tire une de son bréviaire, elle ne la prend pas. Monsieur l'Abbé Davis dit : " Je sais ce que c'est, l'image n'est pas bénite. " Il la bénit et aussitôt elle l'approche affectueusement de ses lèvres. Même chose arrive pour un chapelet qu'elle refuse. Mr David demande s'il est bénit. - Oui, dit-on. La croix l'est-elle ? - Je n'en sais rien est-il répondu. Je l'avais perdue et on me la remplacé. On présente de nouveau le chapelet à Marie-julie qui ne le prend pas mais la croix étant bénite elle accepte le chapelet et le baise ainsi que la croix. Elle fait des signes de croix sur son front avec sa relique qu'elle passe sur ses yeux. Elle prie et souvent porte à sa bouche, des croix, les chapelets, les reliques qu'elle a avec elle.

Pendant ce temps de silence, on récite les quatre dernières dizaines de la deuxième partie du Rosaire, plus une dizaine aux intentions de Marie-Julie.

Cinq heure. Elle se lève, se met à genoux, les mains, les yeux tournés vers le ciel, elle dit :

" Le Séraphique Père Saint François avait un amour si tendre pour son Jésus crucifié que lorsqu'il entendait prononcer son nom, il tombait la face contre terre et ne pouvait contenir son bonheur.

Oh ! Séraphique Père Saint François, je pourrai bientôt aussi vous appeler mon Père, et beaucoup d'autres aussi. "

Marie-Julie signale les faits ci-après : Saint François resta trois heures sans connaissance quand il sentit le fer de la lance pour la première fois. Il resta cinq heures en agonie sur le rocher. Une flamme sortait quelquefois de son coeur.

Marie-Julie voit une grâce consolante dont le jour n'est pas loin.

Cinq heures et demie. Les yeux sont ouverts, elle donne son crucifix à baiser, lequel lui revient après avoir fait le tour de l'assistance. Marie-Julie annonce qu'une grande abondance de grâces sortent du Sacré-Coeur de Jésus " mais je ne puis pas tout dire " s'écrie-t-elle, je parlerai en secret, mon bien aimé Jésus et sa Très Sainte Mère me défendent de parler en public.

La Sainte Vierge ne nous bénira pas aujourd'hui, ce sera Notre Seigneur et le Séraphique Saint François. Nous allons faire une amende honorable au Sacré-Coeur de Jésus.

Elle se prosterne et dit tout haut une prière admirable. L'assistance entière à genoux s'unit à elle. Puis elle se relève et se prosterne présentant à Notre Seigneur et à Saint François tous les objets qu'elle a dans les mains pendant la bénédiction.

Enfin, elle tombe, brisée dans les bras de sa mère qui l'assied sur son fauteuil où elle revient à la vie commune mais pas tout de suite. Chacun se retire par discrétion la laissant à sa famille. Chacun des assistants est heureux et convaincu. Monsieur l'Abbé David son confesseur attend qu'elle revienne entièrement.

Extase du 17 octobre 1877

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