Aucun livre important n’a paru sur
Marie-Julie Jahenny et pourtant, d’Allemagne ou d’Amérique, on
écrit, soit à l’évêché de Nantes, soit à la paroisse de Blain, pour
connaître des détails sur sa vie ou réclamer des reliques.
Pourquoi ?
Parce qu’elle est considérée comme
douée du plus grand don prophétique qu’une personne ait obtenu dans
ce siècle. Nul n’ignore que des livres de prophéties paraissent
périodiquement. On se transmet de l’un à l’autre celles de
Marie-Julie.
Qu’en penser ?
Nous avions pensé laisser de côté ce
sujet délicat. Mais nous nous imposons l’obligation de présenter un
travail d’information complet et impartial. Or, parmi ceux qui
ouvriront ce livre, nombreux sont ceux qui en attendront des
lumières là-dessus et que nous ne pouvons décevoir.
Des prophéties en général
La prophétie est un charisme que
l’Église reconnaît mais dont on minimise la portée.
Le prophète est essentiellement
celui qui parle au nom du Seigneur. Son dessein est de ramener les
coeurs à Dieu, d’inciter à la conversion, à la pénitence et à une
augmentation des vertus de foi, d’espérance et de charité.
En ce sens profond et primitif, le
prophète officiel, c’est le prêtre quand il parle selon l’évangile
et en union avec la hiérarchie catholique.
Mais Dieu accorde officieusement ce
don à qui lui plaît : homme ou femme, adulte ou enfant, laie ou
clerc... Ce don, il le confirme par des grâces de guérisons
miraculeuses, de stigmatisation, de lévitations, de bilocations et
aussi par la pénétration de l’avenir.
C’est ce dernier point qu’on a
surtout retenu : le prophète, pour le peuple, c’est celui qui prédit
l’avenir. Une curiosité purement humaine nous pousse à savoir ce
qu’il adviendra de nous dans le temps futur.
Ceci explique qu’au début de chaque
année nouvelle, des journaux, pour allécher la clientèle, affichent
les faits sensationnels dont l’an neuf sera pourvu. L’échec constant
de ces prédictions n’empêche pas de récidiver.
N’écoutons pas les prophètes
charlatans
La prophétie, au sens religieux,
c’est autre chose. Jamais elle ne peut être contraire à
l’enseignement officiel de l’Église car, seule, celle-ci a reçu le
don d’infaillibilité et il ne peut y avoir deux vérités contraires
sur le même objet.
Mais Dieu peut-il révéler l’avenir ?
S’il le révèle, n’est-ce pas parce
qu’il le fait lui-même ?
Où serait notre liberté ?
Dieu ne connaît l’avenir que par
rapport à notre optique d’êtres vivant dans le temps. Lui, hors du
temps, vit un éternel présent et voit ce qui, pour lui, existe déjà
et qui, pour nous, n’est pas encore. Nous ne comprenons pas : lui
seul se comprend. Il agit en nous, nous ne pouvons rien sans lui et,
cependant, il nous laisse libres. Tel ce papa qui tient par le
vêtement du dos son tout petit garçon : s’il lâche, l’enfant tombe,
s’il ne lâche pas, l’enfant marche grâce à ce soutien nécessaire
mais il avance dans le sens qui lui plaît à droite, à gauche ou en
avant.., ou même à reculons. Le bébé choisit librement sa direction
ou même choisit de ne point bouger.
Dieu a-t-il intérêt à nous
révéler l’avenir ?
En principe Il nous le cache pour
que nous ne perdions pas le bénéfice de notre liberté. S’il consent
à lever le coin du voile, c’est en vue de notre conversion. Cet
avenir, Il ne le révèle que partiellement, conditionnellement, le
plus souvent sans précision de dates et toujours avec une note
d’incertitude. Il révèle plus volontiers les faits d’ordre général
que ceux qui concernent la destinée de l’individu. Il agit comme les
parents qui menacent leur enfant pour le tenir dans le droit chemin.
" Si tu ne fais pas comme ceci, il risque de t’arriver cela. "
Le Christ a fait des prophéties sur
la ruine de Jérusalem et sur les événements qui précèderont la fin
des temps. C’est à dessein qu’Il les a mêlés afin que ses auditeurs,
apprenant qu’ils en verraient, ne puissent démêler ce qui serait
immédiat de ce qui était réservé à des temps plus éloignés.
Quand le Seigneur dit : bientôt,
c’est bientôt pour lui qui vit dans son éternel présent mais ce
bientôt peut paraître lointain à nous qui vivons dans le temps.
Marie-Julie a prophétise
Les prophéties de Marie-Julie sont
contenues dans le texte officiel de ses extases. La voyante ne peut
pas ne pas les révéler. Elles tiennent une place importante dans ce
qui a été noté, surtout entre les années 1877 et 1881, celles que
nous avons explorées à fond. Ce dossier a été réalisé par Adolphe
Charbonnier. Il comprend des extases rédigées par lui-même, les plus
nombreuses, celles rédigées par son frère Auguste, par le frère
Cyrus, par monsieur Dubois de la Patelière, par l’abbé Cailleton,
par le curé du Gâvre, par madame Grégoire, par monsieur Sionnet et
par d’autres. Toutes sont du même style, y compris celles que nous
avons retrouvées dans leur texte original, écrites de la main même
de madame Grégoire.
Marie-Julie se souvient, en
principe, du contenu de ses extases mais elle n’a pas nécessairement
grâce pour l’expliquer. Elle est sans culture mais intelligente et
avide de comprendre. Dans son humilité, elle croit volontiers les
explications des autres : si elle acquiesce, ne serait-ce que par
son silence, cela peut conduire à la catastrophe. On lui en fait
dire elle nous l’a déclaré elle-même.
Ainsi cette prophétie, si bien
ancrée dans la région de Blain, qu’à sa mort l’aubépine fleurirait
au passage de son cercueil. Nous n’en avons pas trouvé trace dans
les milliers de pages de ses extases que nous avons parcourues. Il
est possible que cela existe quelque part. Nous savons, par
ailleurs, que Marie-Julie a supplié le Seigneur de lui épargner,
dans ses dernières années, tout ce qui pourrait attirer l’attention
sur elle.
Quel est le processus de ses
prophéties ?
Celles-ci passent, parfois, à
travers des scènes allégoriques : il y est question de croix,
d’épines, de chemins creux, de fontaines ou de ruisseaux fleuris.
Ceux qui connaissent la trame de ses prophéties devinent, déjà, ce
que cela signifie.
Puis, soudain, le texte prophétique
éclate, prononcé par le Christ, la Vierge ou saint Michel, plus
rarement par un saint. C’est pathétique. C’est empreint d’une
certaine violence de la part du Seigneur, de tendresse et
d’inquiétude de la part de sa Mère. C’est marqué de l’impatience
d’agir de la part de l’Archange.
Il nous est arrivé d’en lire les
meilleurs passages à des gens non avertis, prêtres ou laïcs : ils en
restent interloqués, ne sachant que dire.
Le Seigneur se réserve d’annoncer
les châtiments les plus durs. " Voilà, dit-il, une prophétie que je
vous fais moi-même, moi qui suis la voix de la vérité et de la vie.
Écoutez ma parole. " Il dit aussi : " Ne soyez pas étonnés, mes
enfants, si tout le peuple se soulevait contre mon serviteur et ma
servante. " Le serviteur, c’est le secrétaire qui prend l’extase en
notes. Plusieurs fois, le Sauveur avertit qu’on ne les croira point.
Souvent, la prophétie se présente
comme un écrit que Marie-Julie déchiffre sur une bannière, une
banderole ou même une croix.
" La Sainte Vierge soulève la
mousse qui couvre la croix mais qui n’y est point attachée. Elle me
fait admirer cette croix sur laquelle je lis... "
Suivent neuf paragraphes
prophétiques.
Il arrive fréquemment que
l’extatique contemple les événements dans un soleil, à la manière de
sainte Anne-Marie Taïgi. Nous savons que celle-ci voyait tous les
événements passés, présents ou futurs, dans un soleil mystérieux, de
la taille du soleil naturel, qui se tenait constamment devant elle,
à environ un mètre cinquante, un peu au-dessus de ses yeux. Celui de
la voyante de la Fraudais ne se manifeste que dans certaines
extases.
Le soleil de Marie-Julie fut obtenu
d’une façon curieuse. Le 4 mars 1880, saint Thomas d’Aquin, " qui a
son soleil ", lui apparaît.
" Saint Thomas, dit-elle, si vous
vouliez me le donner, ce soleil ? Non pas pour moi ni pour mes amis,
mais pour le cher entrelaceur de tous les mérites. Il verrait dedans
ce que l’amour infini ne laisse pas tant voir aujourd’hui ".
L’entrelaceur, c’est l’abbé Rabine
qui ne comprend rien aux voies de sa pénitente. Le saint réplique
" Jamais, pour cet oeil, cette
demande ne sera exaucée.
- A cause, saint Thomas ?
- Parce que jamais la lumière ne
viendra le ramener dans le chemin véritable de l’oeuvre du Bon Dieu.
"
Or, le 16 mars suivant, la Vierge
elle-même propose ce soleil à Marie-Julie
29janvier 1878
"
Ma chère enfant, le don que mon Fils va te faire, c’est celui du
soleil divin... Du matin au soir, tu pourras t’instruire de toutes
les connaissances, de tout ce qui se produira dans le ciel, dans
l’enfer, dans le lieu d’expiation, sur terre et dans tout l’Univers.
Voilà la merveilleuse connaissance dans laquelle tu vas entrer. Tu
verras dans la divinité toutes les choses du ciel et de la terre. Ce
sera un grand moyen de protection pour mon peuple, s’il veut
s’incliner sous la bonté de ton Bien-Aimé. Tu verras tout cela, non
pas humainement mais divinement.
- O bonne Mère, quelle mission vous
me donnez ! J’aimerais mieux - mais je n’ai point de volonté -
j’aimerais mieux rester dans la simple mission où je suis encore.
"